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Med'Celine
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26 septembre 2014

Envie, es-tu là?

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Nous l'appellerons Clarisse. Elle a 19 ans, un beau brin de fille, dans le genre saine et sportive, avec un sourire plein de dents très blanches, et de beaux yeux bleus sous une cascade brune frisée. Elle vient me voir pour une rhinopharyngite, ce qui est assez vite expédié. En fin de consultation, elle me jette un regard en dessous, comme si elle me jaugeait. Elle hésite à se lancer, mais je sais déjà par son silence qu'on va s'orienter vers la zone sud.

- Est-ce que vous pourriez me prescrire les dépistages, s'il vous plaît?

Polie. Je réponds que pas de souci, bien sûr. Et je m'enquiers, poliment aussi, de sa situation en matière de prises de risques. Un test de dépistage ne peut être considéré comme définitif que 6 semaines après la dernière culbute non protégée. Pour elle, ça faisait beaucoup moins apparemment.

- C'est que... j'ai plusieurs partenaires.

D'accord. Et par hasard, connaîtrait-elle leur statut sérologique?

- En fait, pas vraiment. Je suis escort.

Blam. Tu l'as bien cherché, Medceline, à vouloir gratter comme ça dans la vie privée des gens!... Maintenant que tu y es, plonge, ma fille, découvre l'envers du décor merveilleux à peine ébauché par Zahia en son temps... Et pour plonger, j'ai plongé, sans bouteille, dans le sordide. Elle m'a parlé de son CV en la matière, depuis ses débuts en répondant à des petites annonces de "massages" à sa prise en main de l'affaire pour éviter ce qu'elle a appelé chastement "les déconvenues". Traduire par les types pas réglos qui caressent juste un peu trop fort, et qui partent la queue entre les jambes sans payer, ou alors en couleur, en lui laissant un joli hématome comme souvenir. Bleu. Comme ses yeux.

Et non, elle ne voyait pas cette activité, qu'elle qualifiait de job, comme de la prostitution. Elle m'a décrit l'affaire plutôt comme de bons moments passés à discuter avec un homme en manque d'affection. A parler de tout et de rien, pour créer un lien, ce qui pouvait durer 75% du temps passé. Une prestation à cheval entre psychologue et assistante sociale, en somme. La petite affaire était ensuite vite réglée. Et côté tarifs, me direz-vous? Oui, je suis même allée jusque là. Histoire de me faire mal, avec mon salaire de quasi bénévole là où je bosse. Pas déçue: 200 euros de l'heure, 50 euros pour les suppléments, et 1200 euros la nuit entière. A raison d'une dizaine d'heures par semaine, elle avait de quoi mettre ça sur un gentil livret A, pour payer ses études et aider les siens qui ramaient un peu dans le couloir.

Oui, mais... La vie privée, dans tout ça? L'estime de soi? Est-ce que ça allait? Oui, ça avait l'air. Elle avait un copain. Quel âge? 55 ans? D'accord. Il était au courant de ses activités parallèles? Non, mais il savait qu'elle voyait d'autres personnes. Un peu naïf, papi. Et tant qu'on y était, elle avait été un tout petit peu violée par son père aussi, quand elle était gosse. Mais sinon, oui, la vie était belle.

Elle m'a remercié d'avoir pu déballer le paquet, ce qui ne lui était jamais arrivé. Tu m'étonnes. J'ai glissé que peut-être, un jour, ça pourrait être bien qu'elle rencontre un psychologue pour l'aider à démêler tout ce merdier et en faire une pelote qui filerait un peu plus droit. Mais les psychologues, c'est bien connu, c'est pour les gens qui ne vont pas bien, et elle, elle allait très bien.

N'empêche que quand elle est partie, je suis restée avachie dans mon fauteuil un bon moment avant de pouvoir rebondir sur la patient suivant. Un timide jeune homme qui avait passé une très mauvaise première nuit chez sa toute nouvelle première copine. A cause de douleurs abdominales terribles. Pas glamour, mais tellement rafraîchissant!

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Commentaires
M
Cette demoiselle en utilisait pour 95% de son temps. Pour le reste, cela concernait des demandes particulières, ou les gâteries buccales, pour parler poliment. A priori, ça allait pour elle. Pour le moment.
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M
et les escort-girls n'utilisent pas de préservatifs ??? oO
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A
Mon expérience "d'aidant" (enfin essayer de....) a des similitudes.<br /> <br /> Il fallait parfois 5 ou 6 rdv (de 45 mn à 1 H) avant que le personne n'aborde ce pourquoi elle venait "vraiment".<br /> <br /> Et le sujet en question n'était pas nécessairement le pire du pire....
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M
Ce qui est surprenant pour moi, surtout, c'est d'avoir reçu ces "confessions", alors que le motif de venue était on ne peut plus banal. Et je me dis que vraiment, par manque de temps, les médecins doivent passer à côté de 90% du malheur des gens... Il y a ce syndrome du "pied dans la porte", aussi: la consultation est terminée, enfin, c'est ce qu'il semble, et là, la main sur la poignée, le patient dit "au fait docteur..." et déballe ce qui est peut-être le plus important pour lui. En route pour le second round, donc! Et on dit que je suis en retard... Ben oui, mais j'assume!
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A
Quelle tristesse quand même....<br /> <br /> Et ça date pas d'hier....<br /> <br /> En 1966, Brassens chantait déjà le "phénomène" <br /> <br /> <br /> <br /> "Concurrence déloyale"<br /> <br /> <br /> <br /> Y'a ces gamines de malheur,<br /> <br /> Ces goss's qui, tout en suçant leur<br /> <br /> Pouc' de fillette,<br /> <br /> Se livrent au détournement<br /> <br /> De majeur et, vénalement,<br /> <br /> Trouss'nt leur layette.<br /> <br /> (...)<br /> <br /> Ell's ôt'nt le bonhomm' de dessus<br /> <br /> La brave horizontal' déçu’,<br /> <br /> Ell's prenn'nt sa place.<br /> <br /> De la bouche au pauvre tapin<br /> <br /> Ell's retir'nt le morceau de pain,<br /> <br /> C'est dégueulasse.
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